Refuser la souffrance en héritage

J’ai toujours regretté ce jour. Il t’en avait fallu du temps et du courage pour oser me dire…

Et moi, à mon tour désemparée, inconsciemment ramenée à la même situation, j’ai eu cette phrase horrible, tout aussi horrible que le regard de ma mère lorsque je lui ai demandé de l’aide, 25 ans plus tôt.

Ce regard méprisant qu’elle m’a jeté, pas un  mot, pas une parole, seulement le dégout dans ce regard qui me parcourait de la tête aux pieds. Elle m’a physiquement tourné le dos et j’ai émotionnellement intériorisé ce mépris qui débouche sur le rejet.

Pour toi, les mots à peine prononcés, je les ai regrettés. Un regret si fort que je n’ai rien pu faire avant plusieurs heures. Mais je ne t’ai jamais exprimé mes regrets.

Puis je t’ai accompagné dans cette épreuve avec tout mon amour. Sourde et aveugle aux médisances des gens, fermée à la sollicitude hypocrite de mes copines, mères modèles de filles très vertueuses. Prête bec et ongles à te protéger au cas où quelqu’un oserait prononcer ne serait-ce que ton nom. Aujourd’hui je sais que l’absence de ma mère a nourri ma présence auprès de toi car rien d’autre n’a compté. Mais rien d’autre n’a aussi effacé cette terrible phrase.

La loyauté familiale n’est pas une fatalité

Peu de mères font sciemment du mal à leur enfant. Certaines ne contrôlent pas cette pulsion qui dans un rappel de souffrance émotionnelle les poussent à rendre, douleur pour douleur

Je n’ai jamais rien dit à ma mère mais je garde le profond regret de t’avoir infligé cette souffrance, cette dévalorisation de ta personne.

J’ai pu me réconcilier avec moi-même en m’affranchissant des histoires douloureuses des femmes de mon lignage. Connaitre l’Histoire aide à mieux comprendre. Un exercice qui nourrit notre bienveillance et notre tolérance. Cela n’efface pas les souffrances mais çà les apaise.

Je ne peux revenir en arrière mais je te demande de me pardonner d’avoir projeté sur toi la souffrance que m’a infligée ma mère. Tu n’es pas Moi ; nous sommes liées par l’histoire des femmes de notre famille, mais tu n’es ni mon histoire, ni la leur

Souvent d’une lignée à l’autre, les mêmes situations, les mêmes souffrances  se reproduisent. Partir à la rencontre de Soi-même m’a appris qu’il n’y a aucun devoir à être en loyauté familiale.

S’affranchir et Décider de la forme de sa loyauté

La loyauté familiale, en conformité, n’est pas une obligation de service. Il est possible de choisir car tout n’est pas à reproduire, tout peut être transformé. C’est un choix, celui que l’on s’octroie en construisant la réponse la plus adaptée à ce que nous sommes, à ce que nous défendons, à ce qui nous est important…à ce que nous avons décidé d’être.

Affranchis-toi de la dévaluation de toi-même que j’ai fait naitre en toi. Libère toi des conséquences d’une souffrance qui est mienne dont tu n’as pas à hériter.

Arrête de m’en vouloir, utilise l’énergie que tu mets dans ta colère et ton ressentiment à reconnaitre et valoriser toute la richesse enfouie en toi. Lâche prise tu n’as rien à me prouver.

Aujourd’hui tu es une Femme parmi les Femmes ; je suis ta mère, tu es ma fille, nous sommes Femme, chacune dans sa définition de la Féminité Sois la Femme que tu auras décidée d’être. Trace ta route. Je t’aime et je suis fière de  Toi.

Être mère passe aussi par notre volonté de Femme à émanciper nos filles à les rendre libres, plus fortes et plus affirmées dans leurs choix.